La justice des mineurs délinquants est guidée par un principe d’autonomie, traduit par l’existence d’un texte spécifique (Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante) et signifiant que le droit pénal applicable aux mineurs délinquants, tant sur le plan substantiel que sur le plan procédural, repose sur un ensemble de règles particulières, dérogatoires au droit commun.
Mais ce principe n’est pas absolu : le droit applicable aux mineurs délinquants n’est original que si des dispositions spécifiques existent ; pour le reste, c’est le droit commun qui s’applique. Deux arrêts récents rendus par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en donnent illustration.
Un premier arrêt (Crim., 10 avril 2019, pourvoi n°19-80344) portait sur la question du maintien en détention provisoire d’un mineur âgé de moins de 16 ans au moment des faits, dans l’attente de son jugement pour le meurtre de sa sœur.
Le mineur en cause conteste cette décision au motif de son absence de base légale.
La Chambre criminelle de la Cour decassation confirme l’arrêt de la chambre de l’instruction et rejette le pourvoi : « en confirmant son maintien en détention, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes conventionnels et de droit interne visés au moyen dès lors qu’il se déduit du premier alinéa de l’article 9 de l’ordonnance du 2 février 1945, relative à l’enfancedélinquante, qu’en l’absence de dispositions dérogatoires spécifiques aux mineurs, celles de l’article 179 du code de procédure pénale relatives au maintien en détention sont applicables en cas de renvoi d’un mineur âgé de plus de treize ans et de moins de seize ans pour crime devant le tribunal pour enfants ».
Un deuxième arrêt (Crim., 26 juin 2019, pourvoi n°19-82745) était relatif à la question de l’appel de l’ordonnance renvoyant un mineur pour crime. Un mineur poursuivi pour crime doit être renvoyé, selon son âge, devant le tribunal pour enfants (s’il a moins de 16 ans) ou devant la cour d’assises des mineurs (s’il a plus de 16 ans).
En l’espèce, un individu, mineur de moins de 16 ans au moment des faits, est mis en cause pour le viol de sa cousine âgée de moins de 15 ans au moment des faits, et est renvoyé devant le tribunal pour enfants.
L’appel du mineur mis en examen est rejeté au motif que seule l’ordonnance de renvoi devant la cour d’assises des mineurs est susceptible d’appel dans les mêmes conditions que l’ordonnance renvoyant un majeur devant une cour d’assises.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 24 de l’ordonnance de 1945, 186 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme : « il se déduit de ces textes que l’ordonnance renvoyant un mineur pour crime, soit devant la cour d’assises des mineurs, soit devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle, peut être frappée d’appel dans les mêmes conditions qu’une ordonnance renvoyant un majeur devant une cour d’assises ».
Au-delà la lecture technique des dispositions de l’Ordonnance du 2 février 1945 et du code de procédure pénale, levisa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’attendu de principe soulignent que le droit à un procès équitable interdit de mettre le mineur dans une position moins favorable que le majeur jugé pour la même catégorie d’infractions.