La règle ne bis in idem se décline tant sur un plan procédural (impossibilité en principe de cumuler deux poursuites et sanctions pénales à propos des mêmes faits) que sur un plan substantiel (interdiction en principe de cumul de qualifications à propos des mêmes faits). Sur ce dernier plan, selon une jurisprudence constante de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, « des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ».
Tel est le cas lorsqu’uneinfraction de préparation est absorbée par une infraction de réalisation, par exemple l’infraction de port d’arme absorbée par celle de destruction de biens (Crim., 14 novembre 2019, pourvoi n°18-83122).
Mais l’hypothèse, qui donne sans doute actuellement le plus de grains à moudre à la Chambre criminelle de la Cour de cassation (voir ainsi, Crim., 9 mai2019, pourvois n°18-82800 et n°18-82885), est celui de l’association de malfaiteurs, comme l’illustrent deux arrêts récents.
Dans un premier arrêt (Crim., 11 mars 2020, pourvoi n°19-84887, cité supra III), un individu condamné à la fois pour le délit de détention d’un dépôt d’armes (art. L. 317-7 du code de la sécurité intérieure) et celui de participation à une association de malfaiteurs (art. 450-1 c. pén.) soulève dans son pourvoi la violation du principe ne bis in idem.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, après avoir rappelé le sens de ce principe par la formule constante ci-dessus reproduite, lui donne raison dans la mesure où il résulte de l’arrêt de la cour d’appel que « les faits de détention d’un dépôt d’armes dont le prévenu a été reconnu coupable sont inclus dans les faits d’association de malfaiteurs réprimés par ailleurs et procèdent de la même intention coupable ». En effet, la détention d’un dépôt d’armes est un acte matériel de préparation d’autres actions illicites du type vols avec arme, séquestrations ou assassinats et entre de ce fait dans le délit d’association de malfaiteurs. L’arrêt est donc cassé.
Dans un second arrêt (Crim., 22 avril 2020, pourvoi n°19-84464), un individu condamné par la cour d’assises pour vols en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs se pourvoit en cassation en invoquant la violation du principe ne bis in idem, soutenant que les mêmes faits auraient été retenus à la fois au titre de la circonstance aggravante de bande organisée et au titre de l’infraction d’association de malfaiteurs.
La Cour de cassation rejette ici le pourvoi considérant que si les agissements, circonstances et moyens évoqués (vols de véhicules, répartition précise des rôles des participants, repérages et réunions effectuées, prévision d’usage des armes et des explosifs…) ont bien été mis en œuvre pour réaliser les vols en bande organisée, ils s’inscrivaient aussi dans la préparation d’autres infractions (attaques de fourgons blindés) de sorte que « la cour d’assises a caractérisé (…) d’une part la circonstance aggravante de bande organisée assortissant les vols dont l’accusé a été reconnu coupable, et d’autre part l’infraction d’association de malfaiteurs visant la préparation de faits distincts ».